Le fichage en fonction des opinions et des convictions religieuses
source >Section 3 : Traitement de données à caractère personnel dénommé " Gestion de l'information et prévention des atteintes à la sécurité publique " (Articles R236-21 à R236-30) - Légifrance (legifrance.gouv.fr)
Trois décrets publiés Le vendredi 4 décembre 2020 au Journal Officiel, et passés quasiment inaperçus, créent la polémique et l'inquiétude des défenseurs des libertés. Ils vont permettre aux forces de l'ordre et aux renseignements de collecter beaucoup plus d'informations et des données très personnelles.
Quant au contenu des données collectées : ce ne sont plus seulement les activités politiques, religieuses, syndicales, mais dorénavant également les opinions politiques, les convictions philosophiques, religieuses, ainsi que les comportements et habitudes de vie, les pratiques sportives... Autant de notions intrusives, sur lesquelles la CNIL a demandé des précisions. Avis non pris en compte.
Le renseignement territorial pourra également enregistrer des données relatives aux troubles psychologiques ou psychiatriques qui peuvent être considérées comme des atteintes au secret médical.
"Les fichiers de police dont on parle ne sont pas des fichiers judiciaires, ce sont des fichiers qui sont gérés par la police, seule, pour la police, explique Arthur Messaud, porte-parole de La Quadrature du Net. Ce ne sont pas non plus des fichiers de contre-terrorisme. On est dans la lutte contre les sectes, la lutte contre les hooligans et la lutte contre les violences autour des trafics de drogue, mais aussi toutes les luttes, les violences ou les manifestations non déclarées autour des mouvements idéologiques. Il faut bien comprendre que là, quand je dis violence, c'est tel qu'interprété par la police."
"Ce n'est pas un juge qui va qualifier des infractions pénales. Non, c'est la police toute seule pour ces renseignements à elle, qui va surveiller des gens qu'elle considère comme dangereux pour le pouvoir en place" - Arthur Messaud
Le décret comporte également un couplet sur les réseaux sociaux
Surveillance actée des activités sur ces réseaux avec possibilité de recueil des pseudonymes et identifiant, pas les mots de passe, uniquement les informations mises en ligne volontairement en source ouverte. Mais il sera possible de capter les commentaires et surtout les photos, reconnaissance faciale non exclue.
La CNIL souligne que le résultat devra être recoupé et qu'il ne suffira en aucune manière à lui seul à fonder une décision à l'égard de la personne.
Ces décrets apparaissent comme une nouvelle encoche dans nos libertés. A minima une bombe à retardement si notre histoire démocratique venait à vaciller.
Il y a 12 ans, le fichier Edwige prévoyait de collecter - déjà - des informations sur les opinions des personnes fichées. Des mobilisations citoyennes avaient permis de modifier la donne et le gouvernement avait autorisé le recueil de fichier uniquement sur les activités politiques des personnes et non plus leurs opinions.
trois décrets du ministère de l’Intérieur ont été publiés : l’objectif est de muscler les fichiers du renseignement territorial (PASP et GIPASP qui ont succédé à Edvige) et les enquêtes administratives.
De plus, les « données de santé révélant une dangerosité particulière », les « données […] relatives aux troubles psychologiques ou psychiatriques », les « comportements et habitudes de vie », les « déplacements », les « pratiques sportives » ou encore les « activités sur les réseaux sociaux » pourront y être inscrits.
« Une pratique jusqu’ici illégale »
Le but de ces modifications, selon le ministère de l’intérieur, est d’adapter ces fichiers à la lutte contre le terrorisme. Les fonctionnaires chargés d’alimenter ces fichiers n’ont semble-t-il pas attendu cette modification du cadre légal. La CNIL note en effet dans ses avis que les changements décidés par le ministère visent à « tenir compte de l’évolution de certaines pratiques dans l’utilisation de ce traitement et, ce faisant, de les régulariser ».
« Nous sommes extrêmement choqués que le gouvernement ait fait ça sans débat public, en catimini », a réagi Arthur Messaud, porte-parole de La Quadrature du Net, ONG spécialisée dans la défense des libertés publiques. « Nous sommes aussi inquiets : tout ce qui avait été enlevé du fichier Edvige [qui avait fait polémique en 2008], à savoir le fichage des opinions politiques et religieuses, et non plus seulement des activités politiques et religieuses, a été remis », critique-t-il encore. « Comme pour la loi sur le renseignement, on a une pratique jusqu’ici illégale que la police convainc le gouvernement de légaliser a posteriori », dénonce enfin M. Messaud.
Parmi les multiples nouveautés, les services pourront recueillir des informations sur l’opinion des personnes surveillées, leurs pseudos Twitter, des données de santé, le tout pour des finalités élargies qui dépassent la sécurité publique.
- Décret Fichier de prévention des atteintes à la sécurité publique (PASP) et avis CNIL
- Décret Gestion de l'information et prévention des atteintes à la sécurité publique (GIPASP) et avis CNIL
- Décret Enquêtes administratives liées à la sécurité publique (EASP) et avis CNIL
Les trois décrets portent sur les fichiers frères du renseignement territorial de la police (PASP) et la gendarmerie (GIPASP) et celui qui permet les enquêtes administratives (EASP) nécessaires pour la profession de magistrat, policier, surveillant pénitentiaire, policier municipal, agent de sécurité privé ou… de la Hadopi.
Rappelons que le PASP et GIPASP ont un champ plus large que le Fichier des signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste (FSPRT) qui vise les personnes radicalisées. En 2017, 43 500 personnes étaient fichées au PASP et 40 500 au GIPASP.
Des fichiers larges qui permettent aux forces de l’ordre de surveiller toute personne présentant une menace à l’ordre public (manifestants violents, hooligans,…). Peuvent accéder au PASP et au GIPASP, les agents des services, mais également tous les policiers et gendarmes, ainsi que les procureurs (une nouveauté des décrets).
sources
Les possibilités de fichage de la police discrètement élargies par trois décrets (franceinter.fr)
L’Intérieur muscle les possibilités de fichage politique (nextinpact.com)
Le gouvernement élargit par décret les possibilités de fichage (lemonde.fr)