Clonage : Un embryon hybride singe-humain créé en Chine
Si l’histoire semble incroyable, il faut savoir que ce n’est pas la première fois que les scientifiques créent ainsi des hybrides entre humains et animaux. On les appelle « chimères », en référence aux créatures à tête de lion, corps de chèvre et queue de dragon de la mythologie grecque. L’objectif ultime : faire « pousser » des organes humains dans le corps d’animaux, qui pourraient ensuite servir aux transplantations. Les premières expériences ont été effectuées en créant des hybrides entre des rats et des souris.
En 2017, le chercheur impliqué dans l’expérience rapportée par El País, Juan Carlos Izpisúa Belmonte, a injecté des cellules humaines dans 1500 embryons de porcs et implanté certains d’entre eux dans des utérus de truies. Aucune gestation n’a toutefois été menée à terme. Des fœtus hybrides humains-moutons ont aussi été créés.
Éthique
« Je ne suis pas trop inquiet de cette expérience », affirme d’entrée de jeu à La Presse Hank Greely, directeur du centre sur le droit et les biosciences à l’Université Stanford, en Californie. L’éthicien se dit rassuré par le fait que les manipulations se limitent à tenter de développer des organes humains dans des animaux. « L’idée d’un singe avec un pancréas humain ne me préoccupe pas trop ; celle d’un embryon de singe avec un pancréas humain, encore moins », a-t-il dit, estimant qu’il existe de « bonnes raisons scientifiques » de faire de telles recherches. Pour l’instant, les travaux visent à voir comment se développent les cellules souches humaines dans les embryons d’animaux.
Une « ligne rouge » de 14 jours
Hank Greely se montre aussi rassuré par le fait que les embryons n’ont pas été amenés à se développer plus de 14 jours, une « ligne rouge » éthique déterminée par le fait que c’est à ce stade de développement qu’on peut déterminer s’il y a un seul embryon ou des jumeaux, par exemple. Vardit Ravitsky, spécialiste en bioéthique et professeure à l’Université de Montréal, tient des propos semblables. « Je ne crois pas qu’il faille s’alarmer, parce que les embryons ont été détruits très tôt, dit-elle. J’estime que tant qu’on n’a pas l’intention d’implanter les embryons et de mener à des naissances, c’est éthiquement acceptable. »
Cerveau, spermatozoïdes et ovules
L’éthicienne Vardit Ravitsky affirme qu’elle aurait eu un plus grand malaise si l’expérience avait permis le développement de spermatozoïdes ou d’ovules humains chez un animal, ce qui laisse planer la possibilité d’animaux capables d’engendrer des humains. « Ça, c’est une idée horrifiante », commente l’experte. Un autre enjeu délicat est l’implantation de cellules humaines dans le cerveau d’animaux, ce qui ouvre la porte au développement de leur intelligence et peut-être même de leur conscience. Le printemps dernier, des chercheurs chinois ont justement implanté un gène humain dans le cerveau de 11 macaques.
Cinq d’entre eux ont survécu, et des tests ont montré qu’ils avaient une meilleure mémoire à court terme que d’autres macaques. « Dès qu’on parle de cognition, de compréhension, de mémoire, de choses liées aux traits spécifiquement humains, les défis éthiques sont beaucoup plus grands. Je fais une distinction entre la plomberie – les organes comme le pancréas et les reins – et l’esprit », dit la professeure Ravitsky.
La chercheuse souligne finalement que la création d’une créature qui aurait des traits mi-humains mi-animaux créerait certainement une commotion dans le grand public.
source article:Publié le 10 août 2019