Les mandats d’arrêt de la CPI et la position des pays européens.


Suite à la demande de la Cour pénale internationale (CPI) de délivrer des mandats d’arrêt contre le Premier ministre israélien, son ministre de la Défense et deux responsables du Hamas pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité, le chef de la diplomatie de l’UE, Josep Borrell, a clairement indiqué que la décision de la Cour devait être respectée. Cependant, tous les États membres de l’UE ne semblent pas être du même avis, ce qui met une fois de plus les divisions au sein du bloc au premier plan.

Les crimes qui auraient été commis par Israël comprennent le fait d’affamer délibérément des civils comme méthode de guerre, de causer intentionnellement de grandes souffrances et de diriger intentionnellement des attaques contre la population civile, ainsi que l’homicide intentionnel, le meurtre en tant que crime contre l’humanité, y compris en lien avec le fait d’affamer des civils ayant entraîné la mort, la persécution et d’autres actes inhumains. Les hauts responsables du Hamas sont quant à eux accusés d’extermination, de meurtre, de prise d’otages, de torture, de viol et de traitement cruel, entre autres.

Le Procureur de la CPI, Karim A.A. Khan KC, a demandé des mandats d’arrêt pour le Premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou, le ministre de la Défense israélien Yoav Gallant, le chef du Hamas à Gaza Yahya Sinouar et le chef militaire du Hamas Mohammed Deif, pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité, que la Cour examinera.

Prenant acte de la décision du Procureur, M. Borrell a adopté une position claire, écrivant sur X que « le mandat de la CPI, en tant qu’institution internationale indépendante, est de poursuivre les crimes les plus graves en vertu du droit international ».

« Tous les États qui ont ratifié les statuts de la CPI sont tenus d’exécuter les décisions de la Cour », a-t-il ajouté.

Cependant, tous les États membres ne suivent pas la même ligne, ce qui met en évidence les divisions qui se sont intensifiées depuis l’attaque du groupe palestinien du Hamas contre Israël le 7 octobre et l’invasion de la bande de Gaza par les forces israéliennes qui a suivi.

Maintien des lignes historiques

L’Allemagne, qui a fermement soutenu Israël pour des raisons historiques, a annoncé qu’elle « respecte l’indépendance et les procédures » de la Cour pénale internationale, mais a fait part de ses préoccupations en matière de juridiction et de complémentarité des enquêtes entre les États constitutionnels concernés, tels qu’Israël.

« La demande simultanée de mandats d’arrêt contre des dirigeants du Hamas d’une part, et contre deux responsables israéliens d’autre part, a donné l’impression erronée d’une équivalence », poursuit Berlin dans sa déclaration.

En ce qui concerne la question de la juridiction, tous les États membres de l’UE et les candidats à l’adhésion à l’UE — à l’exception de l’Ukraine et de la Turquie — reconnaissent la compétence de la Cour de La Haye pour examiner les cas de génocide, de crimes contre l’humanité et de crimes de guerre commis après le 1er juillet 2002. La Russie, la Chine et les États-Unis, cependant, ne reconnaissent pas la CPI.

La République tchèque, également très pro-israélienne, s’est exprimée en des termes encore plus forts, qualifiant la demande de mandats d’arrêt de « consternante et totalement inacceptable » et déclarant que les actions du Hamas en octobre étaient la cause du nombre de morts dans la bande de Gaza aujourd’hui.

« Nous ne devons pas oublier que c’est le Hamas qui a attaqué Israël en octobre et qui a tué, blessé et enlevé des milliers d’innocents. C’est cette attaque terroriste totalement gratuite qui a conduit à la guerre actuelle à Gaza et à la souffrance des civils à Gaza, en Israël et au Liban », a déclaré le Premier ministre tchèque Peter Fiala.

Le porte-parole du Premier ministre britannique Rishi Sunak, a quant à lui critiqué l’évolution de la situation, estimant qu’elle « ne contribuait pas à une pause dans les combats, à la libération des otages ou à l’acheminement de l’aide humanitaire ».

« Le Royaume-Uni, comme d’autres pays, ne reconnaît pas la Palestine en tant qu’État, et Israël n’est pas un État partie au Statut de Rome », statut qui définit les domaines de compétence de la CPI, a ajouté le porte-parole.

Le ministre italien des Affaires étrangères, Antonio Tajani, a ajouté qu’il était « inacceptable » d’assimiler le gouvernement démocratique israélien au groupe terroriste du Hamas.

« Il me semble vraiment singulier, je dirais même inacceptable, d’assimiler un gouvernement élu en toute légitimité par le peuple dans une démocratie à une organisation terroriste qui est à l’origine de tout ce qui se passe au Moyen-Orient », a déclaré M. Tajani lors d’une interview télévisée.

La décision de la Cour doit être respectée

La ministre belge des Affaires étrangères, Hadja Lahib, a quant à elle déclaré que tout crime commis à Gaza devait être poursuivi au plus haut niveau.

« La demande présentée par le Procureur de la Cour, Karim Khan, de mandats d’arrêt à l’encontre de responsables du Hamas et d’Israël est une étape importante dans l’enquête sur la situation en Palestine », a-t-elle indiqué sur X.

« La Belgique continuera à soutenir le travail essentiel de la justice internationale pour que les responsables de tous les crimes répondent de leurs actes », a ajouté la ministre.

Le ministre irlandais des Affaires étrangères a lui aussi appelé la communauté internationale à « respecter l’indépendance et l’impartialité de la CPI » après que la Cour a fait l’objet de vives critiques de la part des États-Unis et d’Israël.

« L’Irlande condamne les récentes menaces proférées à l’encontre de la CPI et de ses responsables — son rôle dans la lutte contre l’impunité est essentiel », a déclaré le ministre irlandais des Affaires étrangères, Micheal Martin, sur X.

Le gouvernement slovène a également publié une déclaration affirmant que les crimes contre l’humanité en Israël et en Palestine devraient être poursuivis de manière indépendante et impartiale, car « la responsabilité est cruciale pour prévenir les atrocités et garantir la paix ».

En Autriche, le chancelier Karl Nehammer a écrit que « [l’Autriche] respecte pleinement l’indépendance de la CPI », mais qu’il ne comprenait pas que le Hamas et Israël soient mentionnés « en même temps ».

Le Premier ministre espagnol Pedro Sánchez devrait quant à lui annoncer ce mercredi (22 mai) la date exacte à laquelle Madrid et d’autres partenaires de l’UE reconnaîtront un État palestinien.

Interrogé sur la question de savoir s’il qualifierait de génocide le massacre de milliers de civils à Gaza, M. Sánchez a déclaré qu’il avait « de sérieux doutes » quant au respect des droits humains dans la région, mais il a souligné que c’était à la Cour pénale internationale et à la Cour internationale de justice de La Haye qu’il appartenait de clarifier cette question.

Et maintenant ?

Un panel de trois juges va maintenant décider si les mandats d’arrêt seront délivrés, une procédure qui devrait prendre deux mois.

Bien qu’Israël ne soit pas membre de la Cour et que ses dirigeants ne risquent pas d’être poursuivis si les mandats sont délivrés, la menace d’arrestation est symbolique et pourrait constituer un risque d’arrestation s’ils se rendent dans un État membre de la CPI.

Les nouvelles de la CPI arrivent également au moment où Benyamin Nétanyahou est confronté à une pression croissante de la part de l’opinion publique et de son cabinet pour ramener les otages chez eux et définir clairement la voie à suivre pour l’après-guerre.


Source Article 21mai 2024

Par : Alice Taylor 

translated by Marie-Alix Pocholuk

www.euractiv.fr/section/international

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