Lorentz, Poincaré et Einstein et la Relativité

Lorentz, Poincaré et Einstein - L'Express:

Dans la saga de la théorie de la relativité, il faut réhabiliter Henri Poincaré, dont les contributions s'avèrent très importantes

Lorsqu'on demandait à Einstein la raison de son extraordinaire popularité - à son arrivée à New York, le nombre de journalistes l'attendant à la descente du bateau était digne d'une réception de chef d'Etat - il répondait invariablement: «Relativité. Vous comprenez, «c'est relatif, tout est relatif», ça frappe les esprits.» Et, de fait, Einstein, légende vivante, est devenu pour l'Histoire le scientifique paré de toutes les vertus, le génie incontesté et incontestable, savant aussi bien qu'humaniste, citoyen du monde, etc., grâce à ce mot, «relativité». 
Aujourd'hui, il faut se rendre à l'évidence: Einstein n'a pas inventé la théorie de la relativité (restreinte). Le premier découvreur de cette théorie fut un français: Henri Poincaré. La physique mondiale sait cela depuis que le Britannique Edmund Whittaker l'a dit, mais peu de scientifiques compétents ont voulu s'assurer de la véracité de ce fait. Personne n'osait s'interroger sur les mérites du génie absolu. La physique moderne avait sacralisé Einstein. 
Olivier Darrigol, Peter Galison et Jean Hladik (1), trois scientifiques aussi bien physiciens qu'historiens, comprenant l'allemand, le français et l'anglais, se sont penchés sur cette saga du début du XXe siècle et sur ses trois principaux personnages, le Néerlandais Hendrick Lorentz, le Français Henri Poincaré et l'Allemand Albert Einstein. 
Ils sont formels: Poincaré, qui a prolongé et étendu les travaux de Lorentz en le citant honnêtement, est bien l'inventeur de la théorie de la relativité. Autre fait incontestable: dans son fameux article de 1905, Einstein ne cite ni Lorentz ni Poincaré - pas plus, d'ailleurs, qu'il ne rendra justice à l'Allemand David Hilbert dans son premier article de 1916 sur le débat autour de la relativité générale (2). Certes, l'exposé d'Einstein est plus clair, mais il est facile d'être plus clair lorsque la découverte est déjà faite. Certes, Poincaré a volontairement ignoré le travail d'Einstein et s'est contenté d'un échange un peu vif avec lui au congrès Solvay de 1911, mais beaucoup de scientifiques plagiés comprendront cette réaction. Bref, Einstein était indélicat. 
Tout cela n'annule pas ses multiples contributions à la physique moderne: il obtint le prix Nobel pour l'explication de l'effet photoélectrique, ferment de ce qui allait devenir la mécanique quantique, mais le comité Nobel refusa de mentionner la relativité. Son image en est cependant troublée. Surtout, ce constat invite à réhabiliter Henri Poincaré, dont les contributions (théorie du chaos, invention de la topologie, relativité restreinte) s'avèrent, jour après jour, très importantes. Ajoutons-y son éclatant apport à l'épistémologie et à la philosophie des sciences, et posons la question: quand Henri Poincaré entrera-t-il au Panthéon? 
(1) Comment le jeune et ambitieux Einstein s'est approprié la relativité restreinte de Poincaré, par Jean Hladik (Ellipses).

(2) Voir Sur les épaules des géants, par Stephen Hawking (Dunod). 



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