Comment la Deutsche Bank a aidé des oligarques russes à contourner l’impôt

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La Deutsche Bank est au cœur d’un scandale financier dramatique qui vient s’ajouter à une décennie de déboires pour l’une des plus grandes banques du monde.Jeu de miroir

Entre l’automne 2011 et le début de l’année 2015, un courtier en bourse russe du nom d’Igor Volkov appelait le bureau des actions du siège de la Deutsche Bank à Moscou pratiquement tous les jours. Volkov avait affaire à un sales trader – le plus souvent une jeune femme du nom de Dina Maksoutova – à qui il demandait de passer deux ordres simultanément. Dans le premier, il utilisait des roubles pour acheter des actions russes de valeur « phare », comme Lukoil, pour le compte d’une entreprise russe. Généralement, l’ordre représentait environ dix millions de dollars d’actions. Dans le second ordre, Volkov – qui agissait pour le compte d’une autre société, le plus souvent immatriculée dans un territoire offshore comme les îles Vierges britanniques – vendait la même quantité des mêmes actions russes, à Londres, en l’échange de dollars, de livres ou d’euros. L’entreprise russe et la société offshore étaient toutes les deux détenues par le même propriétaire. La Deutsche Bank aidait donc son client à acheter et à vendre à lui-même.

À première vue, ces transactions semblaient banales, voire inutiles. La Deutsche Bank touchait une petite commission pour l’exécution des ordres d’achat et de vente, et les clients en étaient grosso modo au même point financièrement. C’est parce qu’inspecter ces transactions individuellement était comme se tenir trop près d’un tableau impressionniste : on voyait les coups de pinceaux mais pas les nénuphars. En réalité, ces transactions n’avaient pas pour but de faire des bénéfices. C’était une façon de faire sortir de l’argent du pays. L’entreprise russe et la société offshore appartenant au même propriétaire, ces opérations apparemment ordinaires étaient alchimiques : transformer des roubles coincés en Russie en dollars bien planqués à l’étranger. Sur les marchés de Moscou, ce tour de passe-passe avait un surnom : konvert. Dans les médias spécialisés, cette pratique est connue sous le nom de trading miroir.

Pendant la période nazie, la Deutsche Bank a souillé sa réputation en finançant le régime d’Hitler et en achetant de l’or volé aux juifs. Après la guerre, la banque s’est concentrée sur son marché domestique, où elle a joué un rôle significatif dans le « miracle économique » allemand, au sortir duquel le pays a retrouvé sa position d’État le plus puissant d’Europe. À la suite de la déréglementation des marchés financiers américains et britanniques, dans les années 1980, la Deutsche Bank a renoué avec ses ambitions internationales en faisant l’acquisition de banques d’investissement majeures : l’établissement londonien Morgan Grenfell, en 1989, et l’établissement américain Bankers Trust, en 1998. Au début du nouveau millénaire, la Deutsche Bank était devenue l’une des dix plus grandes banques du monde. En octobre 2001, elle faisait ses débuts à la bourse de New York.

Bien que le siège de la banque reste en Allemagne, son pouvoir a abandonné Francfort pour s’installer à Londres, paradis de l’investissement où des bénéfices plus copieux attendaient. La confrontation de différentes cultures bancaires n’a pas toujours été un succès au sein de l’institution. Dans les années 1990, quand des centaines d’Américains sont venus travailler pour la Deutsche Bank à Londres, les responsables allemands ont dû installer un panneau dans le hall d’entrée épelant phonétiquement « Deutsche », car beaucoup d’Américains appelaient leur employeur douche bank, la banque des gros cons.

En 2007, le cours des actions de la banque a atteint un sommet historique : 159 dollars. Mais elle enflait aussi vite que mal. Avant l’effondrement du marché de l’immobilier aux États-Unis en 2008, qui a engendré une crise financière mondiale, la Deutsche Bank a engendré environ 32 milliards de dollars de CDO, ce qui n’a fait qu’aggraver la bulle immobilière. En 2010, ce sont ses propres employés qui l’ont accusée d’avoir dissimulé des pertes d’une valeur de 12 milliards de dollars. Eric Ben-Artzi, un ancien analyste risques, était l’un des trois lanceurs d’alerte. Il a confié à la Securities and Exchange Commission (SEC) que si on avait été au fait la véritable santé financière de la banque en 2008, elle aurait pu s’effondrer comme Lehman Brothers. L’année dernière, la Deutsche Bank a dû s’acquitter d’une amende de 55 millions de dollars auprès de la SEC mais n’a reconnu aucune malversation. Ben-Artzi affirme que les responsables de la banque n’ont encouru qu’une petite pénalité pour un crime terrible. « Il y avait une vraie culture de la criminalité là-bas », dit-il. « Le management de la Deutsche Bank l’a structurellement conçue pour permettre aux individus corrompus de s’adonner à la fraude. »

Les scandales prolifèrent à la Deutsche Bank. Depuis 2008, elle a payé plus de neuf milliards de dollars en amendes et arrangements pour des méfaits qui vont de la conspiration pour manipuler le prix de l’or et de l’argent, à l’escroquerie de sociétés de prêt hypothécaire, en passant par des violations des sanctions américaines après avoir fait affaire avec l’Iran, la Syrie, la Libye, le Myanmar et le Soudan. L’année dernière, la Deutsche Bank a dû payer 2,5 milliards de dollars aux régulateurs des marchés financiers américains et britanniques et licencier sept employés pour son rôle dans la manipulation du Libor londonien, qui représente le taux d’intérêts moyen auquel les banques prêtent aux autres banques. En Grande-Bretagne, une autorité financière majeure a réprimandé la Deutsche Bank non seulement pour sa manipulation du Libor mais aussi pour son manque de franchise. « Les fautes de la Deutsche Bank ont été aggravés par le fait qu’ils nous ont plusieurs fois induits en erreur », explique Georgina Philippou, de la FCA. « La banque a mis bien trop longtemps à nous fournir des documents cruciaux et ils ont beaucoup trop traîné à remettre de l’ordre dans leurs systèmes. »


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