En Chine, la vie selon Apple, par Jordan Pouille (Le Monde diplomatique)
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En Chine, la vie selon Apple, par Jordan Pouille (Le Monde diplomatique):
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En Chine, la vie selon Apple, par Jordan Pouille (Le Monde diplomatique):
Le géant taïwanais Foxconn, premier fournisseur mondial d’électronique et premier employeur privé en Chine, est désormais à l’étroit dans son bunker géant de Shenzhen Longhua. Voyage dans le Guangdong, puis dans le Sichuan, lieu emblématique de son renouveau industriel.
« C’est la première fois que je parle à un étranger. Tu connais Michael Jackson ? J’ai toutes ses chansons sur mon téléphone ! » Minuit trente, devant l’entrée de Hongfujin, une branche de Foxconn qui fabrique l’iPod. Dans la moiteur nocturne de Longhua, la banlieue de Shenzhen, une cohorte de cuisiniers ambulants, le réchaud à gaz soudé à l’arrière du triporteur, sont venus faire concurrence à la cantine de l’usine.
Ils haranguent ces milliers de jeunes en veston rose ou noir quittant leur poste de travail le ventre vide. Certains sont curieux et nous abordent de manière candide et enjouée. Pour les clients attablés autour de l’installation de M. Bo Zhang, la portion de nouilles sautées est à 3 yuans (1). A lui seul, M. Bo en prépare au moins mille par jour. « Les chefs de Foxconn préfèrent garder leurs salariés près des ateliers pendant la pause-repas. Alors, dès qu’on arrive, ces salauds font baisser le prix des plats de cantine à 1,50 yuan, contre 4 yuans le reste du temps ! »
Ils haranguent ces milliers de jeunes en veston rose ou noir quittant leur poste de travail le ventre vide. Certains sont curieux et nous abordent de manière candide et enjouée. Pour les clients attablés autour de l’installation de M. Bo Zhang, la portion de nouilles sautées est à 3 yuans (1). A lui seul, M. Bo en prépare au moins mille par jour. « Les chefs de Foxconn préfèrent garder leurs salariés près des ateliers pendant la pause-repas. Alors, dès qu’on arrive, ces salauds font baisser le prix des plats de cantine à 1,50 yuan, contre 4 yuans le reste du temps ! »
M. Bo est lui-même un ancien ouvrier de Foxconn. Il était affecté à l’atelier de laminage des coques métalliques des MacBook. Il se souvient d’une salle mal ventilée et bruyante, de la chaleur suffocante, de cette poussière d’aluminium qui lui recouvrait la peau et les cheveux. A l’époque, non seulement les ouvriers n’avaient aucun contact avec la hiérarchie taïwanaise, mais même les cadres chinois évitaient toute relation avec leurs homologues taïwanais, pourtant décisionnaires.
Sans surprise, ses demandes de mutation étaient toutes refusées. Il a quitté l’usine au bout d’un an, en mai 2010. Pour mieux revenir.« Maintenant, ce sont les ouvriers qui me font vivre », s’amuse-t-il. Et tant pis si les rats déambulent sous ses tabourets en plastique et si la fumée des usines se mêle au parfum subtil de la sauce de soja.
Sans surprise, ses demandes de mutation étaient toutes refusées. Il a quitté l’usine au bout d’un an, en mai 2010. Pour mieux revenir.« Maintenant, ce sont les ouvriers qui me font vivre », s’amuse-t-il. Et tant pis si les rats déambulent sous ses tabourets en plastique et si la fumée des usines se mêle au parfum subtil de la sauce de soja.
Autour de son restaurant de fortune, pas de gardien : seulement une foule de jeunes gens fatigués, qui préfèrent la convivialité de M. Bo à la stricte discipline qui règne chez Foxconn, de l’autre côté des portiques de sécurité. D’après eux, les humiliations et les punitions des chefs d’atelier ont cessé depuis le scandale des suicides en série, au cours du premier semestre 2010 (2). « Les managers sont beaucoup plus discrets.
En fait, on ne les entend plus. Si on est solide dans sa tête, c’est gérable. Je travaille debout, mais j’ai une pause de dix minutes toutes les deux heures », nous raconte Yang (3), 21 ans et sec comme un sarment de vigne. Son camarade Cao Di se souvient des vexations passées : « On devait réfléchir à nos erreurs en restant debout, face à un mur, pendant six heures, quand l’objectif de production n’était pas atteint. »
Toutefois, le règlement reste sévère : « Evidemment, on laisse toujours les téléphones portables à l’entrée, et on ne peut ni aller aux toilettes, ni parler, ni boire une gorgée d’eau pendant le travail. » Il faut attendre les pauses.
A eux deux, les jeunes hommes emballent huit mille iPad par jour, de 8 heures à 19 heures. « Depuis ceux de la première génération, en 2010 », précise l’un, fièrement.
extrait article paru en juin 2012
En fait, on ne les entend plus. Si on est solide dans sa tête, c’est gérable. Je travaille debout, mais j’ai une pause de dix minutes toutes les deux heures », nous raconte Yang (3), 21 ans et sec comme un sarment de vigne. Son camarade Cao Di se souvient des vexations passées : « On devait réfléchir à nos erreurs en restant debout, face à un mur, pendant six heures, quand l’objectif de production n’était pas atteint. »
Toutefois, le règlement reste sévère : « Evidemment, on laisse toujours les téléphones portables à l’entrée, et on ne peut ni aller aux toilettes, ni parler, ni boire une gorgée d’eau pendant le travail. » Il faut attendre les pauses.
A eux deux, les jeunes hommes emballent huit mille iPad par jour, de 8 heures à 19 heures. « Depuis ceux de la première génération, en 2010 », précise l’un, fièrement.
extrait article paru en juin 2012
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