electromagnetic connection
Ampère, le « Newton de l’électricité », inspiré par l’expérience de Oerstedt, a été le premier à imaginer une société complètement dirigée par un principe électromagnétique, un gouvernement de toute l’humanité par un réseau électrique. En 1834, il invente le mot « cybernétique » pour désigner ce système politique dans son dernier livre « Essai sur la philosophie des sciences ». En 1955, le latiniste Jacques Perret, en traduisant « computer » par « ordinateur » à la demande d’IBM, poursuit cette tradition très présente en France.
À l’opposé, Faraday, avec sa théorie de l’induction électromagnétique, produit une cage isolant des ondes électromagnétiques extérieures. Cette idée sera utile pour préserver la liberté d’action et assurer la protection de l’intégrité corporelle. Maxwell formalise ces intuitions de Faraday avec les équations unifiant la lumière comme une forme de l’électromagnétisme.
Une nouvelle conception de l’espace devient possible, celle du champ. Cette unification fait converger Einstein et Picasso inspirés de l’œuvre d’Ernst Mach, dans les ondes sonores, et d’Henri Poincaré dans la théorie de la relativité. Ernst Mach a lié l’aspect électromagnétique du corps humain avec une perception sonore structurante de l’être. Le sens de l’équilibre y est perçu comme incorporation du champ environnant. Des artistes veulent alors élancer le monde vers un électromagnétisme libérateur.
Pierre et Marie Curie sont les grands responsables de la déstabilisation des corps chimiques avec l’explication de la radioactivité. À leur suite, Einstein propose une équation (E=mc2) entre la condensation photonique de la matière et les ondes électromagnétiques (base de la mécanique quantique). L’électromagnétisme est la manifestation d’une force englobante. Sa théorie actuelle est bien avancée pour trouver au photon un partenaire dans les interactions faibles et ainsi unifier deux des quatre forces énoncées par la physique contemporaine.
Rien n’est clair pour la force de gravité (théories des cordes ?) et celle des interactions fortes de cohésion des noyaux atomiques (supersymétrie ?). Les artistes portent avec eux une nouvelle définition de l’existence humaine sans toutefois intervenir dans ces débats qui les dépassent. En retour, pour les scientifiques, les arts sont devenus une source sémantique alternative au grec ancien.
Écrire le monde avec le texte des sons et des images
Expliquer les relations invisibles du monde physique permet le recours aux étrangetés du monde artistique. La brique constitutive de la matière est devenue le quark, tiré du roman Finnegans’s Wake de James Joyce, grâce au physicien américain Gell Mann en 1965-69.
Alain Aspect du CNRS ouvre maintenant un nouvel espace pour l’électromagnétisme avec l’intrication des photons, c’est-à-dire la possibilité pour cette particule d’avoir en même temps plusieurs propriétés contradictoires. La représentation visuelle objective de la physique est devenue quasi-impossible. L’écriture artistique redevient alors légitime.
Raoul Dufy a réalisé la dernière représentation monumentale de la science électromagnétique avec les outils antiques du peintre : La Fée Électricité produite en 1937 pour l’Exposition Universelle de Paris. En plaçant les artisans de l’univers électromagnétique au milieu de leurs réalisations, Dufy a réussi le tour de force de rassembler un univers virtuel aux yeux d’un public non averti au moyen d’une œuvre d’art panoramique. On peut la voir aujourd’hui au Musée d’art Moderne de la Ville de Paris s’étalant sur une surface de 645 m2.
La modernité tragique est l’œuvre d’une lucidité désespérée. Savoir la vérité devient paradoxalement la seule menace pour la vie individuelle. En retour, la magie ancienne et la science redeviennent appariées. La magie des mots et graphes est une science développée avec art. L’Oulipo a choisi de découvrir mathématiquement les jeux des sons et des images avec les lettres de l’alphabet latin. La physique américaine cherche dans la sonification un moyen de s’émanciper des graphes cartésiens. Les budgets des arts créatifs ne comptent pas face à celui des armées destructives. Ce qui opposait l’ingénieur Tesla au banquier Morgan est la ligne de partage entre arts de libération personnelle et science mobilisée pour l’industrie.
Tesla face à Morgan, l’ingénieur et le banquier
La confrontation entre Nikola Tesla (le Héros) et son banquier, John Pierpont Morgan (le Mauvais Génie) illustre une fois de plus l’aspect faustien de l’humanité. Tesla n’a pas qu’été le principal concepteur du moteur électrique à champs tournants. D’autres ingénieurs ont été impliqués dans cette réalisation comme Steinmetz et Gaulard. Tesla s’est distingué comme visionnaire se faisant l’avocat d’un monde unifié par l’électromagnétisme. Ses brevets couvrent tous les domaines de l’activité humaine. En 1882, dans ses mémoires, Tesla explique avoir la vision de sa future invention, un moteur à induction ressemblant à une roue invisible, en contemplant un coucher du soleil.
Tesla opère par visions schématisées en dessins industriels de brevets en laissant à d’autres le soin de les perfectionner. Il n’est ni artiste ni philosophe. Tesla a été un inventeur prolifique. Edison et Marconi sont surtout des hommes d’affaires intransigeants qui utilisent les technologies électromagnétiques pour faire fortune et acquérir du pouvoir. Ils sortent gagnants du rêve américain. Tesla n’a pas réussi à s’imposer dans cette bataille. Sa mémoire est vivante dans les milieux artistiques contemporains. L’échec financier de Tesla est aussi celui des artistes qui négligent le contexte politique. L’électromagnétisme n’est plus la production d’un romantisme libérateur mais un moyen de contrôle pour les maîtres des réseaux financiers de puissance et de transmission d’information.
Physiciens et artistes : une « electromagnetic connection »
Comme les physiciens du projet Manhattan et leurs adversaires soviétiques persuadés de la nécessité de combattre, qui le totalitarisme, qui le capitalisme, certains artistes ne voient pas notre espèce menacée d’extinction. Les physiciens contemporains sont terrifiés par leurs produits techniques.
Au même moment, la technologie électronique passionne le monde de l’art. Physiciens et artistes se mesurent séparément au monde de la finance. L’image de Tesla est restée vive dans les mémoires pour annoncer leur confluence. La confrontation entre Tesla et Morgan a fait surgir l’essence du dilemme de la vie urbaine moderne : l’électricité gratuite face à un pétrole monnayable.
L’énergie libre est une évidente nécessité sociale pour Tesla. Mais les dures réalités de l’économie de guerre ne lui ont pas permis d’explorer cette voie. Tesla n’est pas allé en guerre contre Morgan car il est persuadé que les États-Unis peuvent sauver le monde en le dirigeant. Ce drame est porté au cinéma en 1979 dans un film remarquable de Krsto Papic, La Vie secrète de Nikolas Tesla, avec nul autre qu’Orson Welles, alors malade et handicapé, dans le rôle de Morgan, le banquier sans autre choix que celui de dire « non » à l’énergie gratuite de Tesla.
La réalité mondiale actuelle fondée sur le contrôle du pétrole et du nucléaire montre que la situation n’a guère changé sur ce plan. Le débat s’est déplacé dans un domaine où Tesla ne l’aurait guère attendu : le contrôle des individus par les réseaux d’information. Plus importante encore que l’énergie libre est la revendication d’informations et de logiciels libres.
En plaçant ses personnages dans ce nouveau monde de l’information, le romancier Neil Stephenson, avec Snow Crash, Diamond Age et Cryptonomicon, illustre l’identification entre les flux électromagnétiques et la vie sociale, en particulier dans la circulation monétaire. Dans son metaverse, les vieux complots prennent une nouvelle forme. Les ordinateurs quantiques utilisant des photons intriqués font se détacher la monnaie non seulement du papier et de l’or, mais aussi du calcul des économistes. Des oeuvres de Takis à l’installation de sculptures magnétiques en lévitation à l’entrée d’un centre de recherche de Grenoble, on voit que l’art électromagnétique a plus de passé mythique que d’avenir tracé. Le projet Corps électromagnétiques, imaginé à Montréal, espère ouvrir plus largement ce secteur aux collaborations artistiques internationales et contribuer à établir une electromagnetic connection avec le monde enchanté de la physique contemporaine.
Les diamants et les aimants étaient une catégorie de rares objets impossibles à transformer: les adamantins. Les diamants sont issus des cheminées volcaniques, les kimberlites, venant du magma profond. Les aimants viennent des météorites ferriques. Leur union parfaite était le but des orfèvres médiévaux pour décorer des armes chevaleresques. Plus personne ne songe à donner un sens aux armes actuelles de destruction massive. Elles glacent le sang et inhibent la mémoire. Alors qu’il serait salutaire de les éliminer, on en invente toujours de nouvelles avec l’électromagnétisme de puissance.
Marcel Duchamp a eu la vision de sa fontaine en lisant cette fable de Jean de La Fontaine : Le sculpteur et la statue de Jupiter, subtile moquerie de l’éducation bigote. « Chacun tourne en réalités, Autant qu’il peut, ses propres songes: L’homme est de glace aux vérités ; Il est de feu pour les mensonges. »
EXTRAIT DE
www.art-outsiders.com/3_reflexion_fr.htm Corps électromagnétiques par Charles Halary, Sociologue,
Paris, septembre 2006
À l’opposé, Faraday, avec sa théorie de l’induction électromagnétique, produit une cage isolant des ondes électromagnétiques extérieures. Cette idée sera utile pour préserver la liberté d’action et assurer la protection de l’intégrité corporelle. Maxwell formalise ces intuitions de Faraday avec les équations unifiant la lumière comme une forme de l’électromagnétisme.
Une nouvelle conception de l’espace devient possible, celle du champ. Cette unification fait converger Einstein et Picasso inspirés de l’œuvre d’Ernst Mach, dans les ondes sonores, et d’Henri Poincaré dans la théorie de la relativité. Ernst Mach a lié l’aspect électromagnétique du corps humain avec une perception sonore structurante de l’être. Le sens de l’équilibre y est perçu comme incorporation du champ environnant. Des artistes veulent alors élancer le monde vers un électromagnétisme libérateur.
Pierre et Marie Curie sont les grands responsables de la déstabilisation des corps chimiques avec l’explication de la radioactivité. À leur suite, Einstein propose une équation (E=mc2) entre la condensation photonique de la matière et les ondes électromagnétiques (base de la mécanique quantique). L’électromagnétisme est la manifestation d’une force englobante. Sa théorie actuelle est bien avancée pour trouver au photon un partenaire dans les interactions faibles et ainsi unifier deux des quatre forces énoncées par la physique contemporaine.
Rien n’est clair pour la force de gravité (théories des cordes ?) et celle des interactions fortes de cohésion des noyaux atomiques (supersymétrie ?). Les artistes portent avec eux une nouvelle définition de l’existence humaine sans toutefois intervenir dans ces débats qui les dépassent. En retour, pour les scientifiques, les arts sont devenus une source sémantique alternative au grec ancien.
Écrire le monde avec le texte des sons et des images
Expliquer les relations invisibles du monde physique permet le recours aux étrangetés du monde artistique. La brique constitutive de la matière est devenue le quark, tiré du roman Finnegans’s Wake de James Joyce, grâce au physicien américain Gell Mann en 1965-69.
Alain Aspect du CNRS ouvre maintenant un nouvel espace pour l’électromagnétisme avec l’intrication des photons, c’est-à-dire la possibilité pour cette particule d’avoir en même temps plusieurs propriétés contradictoires. La représentation visuelle objective de la physique est devenue quasi-impossible. L’écriture artistique redevient alors légitime.
Raoul Dufy a réalisé la dernière représentation monumentale de la science électromagnétique avec les outils antiques du peintre : La Fée Électricité produite en 1937 pour l’Exposition Universelle de Paris. En plaçant les artisans de l’univers électromagnétique au milieu de leurs réalisations, Dufy a réussi le tour de force de rassembler un univers virtuel aux yeux d’un public non averti au moyen d’une œuvre d’art panoramique. On peut la voir aujourd’hui au Musée d’art Moderne de la Ville de Paris s’étalant sur une surface de 645 m2.
La modernité tragique est l’œuvre d’une lucidité désespérée. Savoir la vérité devient paradoxalement la seule menace pour la vie individuelle. En retour, la magie ancienne et la science redeviennent appariées. La magie des mots et graphes est une science développée avec art. L’Oulipo a choisi de découvrir mathématiquement les jeux des sons et des images avec les lettres de l’alphabet latin. La physique américaine cherche dans la sonification un moyen de s’émanciper des graphes cartésiens. Les budgets des arts créatifs ne comptent pas face à celui des armées destructives. Ce qui opposait l’ingénieur Tesla au banquier Morgan est la ligne de partage entre arts de libération personnelle et science mobilisée pour l’industrie.
Tesla face à Morgan, l’ingénieur et le banquier
La confrontation entre Nikola Tesla (le Héros) et son banquier, John Pierpont Morgan (le Mauvais Génie) illustre une fois de plus l’aspect faustien de l’humanité. Tesla n’a pas qu’été le principal concepteur du moteur électrique à champs tournants. D’autres ingénieurs ont été impliqués dans cette réalisation comme Steinmetz et Gaulard. Tesla s’est distingué comme visionnaire se faisant l’avocat d’un monde unifié par l’électromagnétisme. Ses brevets couvrent tous les domaines de l’activité humaine. En 1882, dans ses mémoires, Tesla explique avoir la vision de sa future invention, un moteur à induction ressemblant à une roue invisible, en contemplant un coucher du soleil.
Tesla opère par visions schématisées en dessins industriels de brevets en laissant à d’autres le soin de les perfectionner. Il n’est ni artiste ni philosophe. Tesla a été un inventeur prolifique. Edison et Marconi sont surtout des hommes d’affaires intransigeants qui utilisent les technologies électromagnétiques pour faire fortune et acquérir du pouvoir. Ils sortent gagnants du rêve américain. Tesla n’a pas réussi à s’imposer dans cette bataille. Sa mémoire est vivante dans les milieux artistiques contemporains. L’échec financier de Tesla est aussi celui des artistes qui négligent le contexte politique. L’électromagnétisme n’est plus la production d’un romantisme libérateur mais un moyen de contrôle pour les maîtres des réseaux financiers de puissance et de transmission d’information.
Physiciens et artistes : une « electromagnetic connection »
Comme les physiciens du projet Manhattan et leurs adversaires soviétiques persuadés de la nécessité de combattre, qui le totalitarisme, qui le capitalisme, certains artistes ne voient pas notre espèce menacée d’extinction. Les physiciens contemporains sont terrifiés par leurs produits techniques.
Au même moment, la technologie électronique passionne le monde de l’art. Physiciens et artistes se mesurent séparément au monde de la finance. L’image de Tesla est restée vive dans les mémoires pour annoncer leur confluence. La confrontation entre Tesla et Morgan a fait surgir l’essence du dilemme de la vie urbaine moderne : l’électricité gratuite face à un pétrole monnayable.
L’énergie libre est une évidente nécessité sociale pour Tesla. Mais les dures réalités de l’économie de guerre ne lui ont pas permis d’explorer cette voie. Tesla n’est pas allé en guerre contre Morgan car il est persuadé que les États-Unis peuvent sauver le monde en le dirigeant. Ce drame est porté au cinéma en 1979 dans un film remarquable de Krsto Papic, La Vie secrète de Nikolas Tesla, avec nul autre qu’Orson Welles, alors malade et handicapé, dans le rôle de Morgan, le banquier sans autre choix que celui de dire « non » à l’énergie gratuite de Tesla.
La réalité mondiale actuelle fondée sur le contrôle du pétrole et du nucléaire montre que la situation n’a guère changé sur ce plan. Le débat s’est déplacé dans un domaine où Tesla ne l’aurait guère attendu : le contrôle des individus par les réseaux d’information. Plus importante encore que l’énergie libre est la revendication d’informations et de logiciels libres.
En plaçant ses personnages dans ce nouveau monde de l’information, le romancier Neil Stephenson, avec Snow Crash, Diamond Age et Cryptonomicon, illustre l’identification entre les flux électromagnétiques et la vie sociale, en particulier dans la circulation monétaire. Dans son metaverse, les vieux complots prennent une nouvelle forme. Les ordinateurs quantiques utilisant des photons intriqués font se détacher la monnaie non seulement du papier et de l’or, mais aussi du calcul des économistes. Des oeuvres de Takis à l’installation de sculptures magnétiques en lévitation à l’entrée d’un centre de recherche de Grenoble, on voit que l’art électromagnétique a plus de passé mythique que d’avenir tracé. Le projet Corps électromagnétiques, imaginé à Montréal, espère ouvrir plus largement ce secteur aux collaborations artistiques internationales et contribuer à établir une electromagnetic connection avec le monde enchanté de la physique contemporaine.
Les diamants et les aimants étaient une catégorie de rares objets impossibles à transformer: les adamantins. Les diamants sont issus des cheminées volcaniques, les kimberlites, venant du magma profond. Les aimants viennent des météorites ferriques. Leur union parfaite était le but des orfèvres médiévaux pour décorer des armes chevaleresques. Plus personne ne songe à donner un sens aux armes actuelles de destruction massive. Elles glacent le sang et inhibent la mémoire. Alors qu’il serait salutaire de les éliminer, on en invente toujours de nouvelles avec l’électromagnétisme de puissance.
Marcel Duchamp a eu la vision de sa fontaine en lisant cette fable de Jean de La Fontaine : Le sculpteur et la statue de Jupiter, subtile moquerie de l’éducation bigote. « Chacun tourne en réalités, Autant qu’il peut, ses propres songes: L’homme est de glace aux vérités ; Il est de feu pour les mensonges. »
EXTRAIT DE
www.art-outsiders.com/3_reflexion_fr.htm Corps électromagnétiques par Charles Halary, Sociologue,
Paris, septembre 2006