La crise du Covid-19 nous oblige à réevaluer l'utilité sociale des métiers
"Soudainement, les titulaires des métiers les mieux payés nous apparaissent bien inutiles et leur rémunération exorbitante. L’un des premiers enseignements de la crise sanitaire, en somme, c’est qu’il est urgent de réétudier la "hiérarchie" sociale des métiers, en accord avec nos valeurs et relativement à leur utilité réelle."
extrait source
https://www.pourleco.com/ca-clashe/debat-des-economistes/dominique-meda-la-crise-du-covid-19-nous-oblige-reevaluer-lutilite
interview de Dominique Meda
Sociologue et philosophe, Dominique Méda est actuellement professeure de sociologie à l’Université Paris Dauphine, après avoir été directrice de recherches au Centre d’Etude et de l’Emploi. Ancienne élève de l'École normale supérieure et de l’École nationale d'administration, agrégée de philosophie.
A l’avant, une armée de soignants se battant contre le coronavirus, les
mêmes qui depuis des semaines hurlaient à l’appauvrissement de l’hôpital
public. A l’arrière, des millions de confinés, forcés d’interroger
l’utilité d’un quotidien temporairement empêché. Cette guerre sanitaire
sans précédent affiche l’absurdité d’une hiérarchie sociale des métiers à
repenser, estime Dominique Méda. Travailler, mais pour construire
quelle société ? Celle qui saura faire face aux multiples fronts,
pandémique aujourd’hui, climatique demain ? Des mesures de rupture ont
été promises une fois la sécurité sanitaire retrouvée. « Chiche »,
répond la sociologue du travail.
Soudainement, les titulaires des métiers les mieux payés nous apparaissent bien inutiles et leur rémunération exorbitante. L’un des premiers enseignements de la crise sanitaire, en somme, c’est qu’il
est urgent de réétudier la "hiérarchie" sociale des métiers, en accord
avec nos valeurs et relativement à leur utilité réelle.
Soudainement, les titulaires des métiers les mieux payés nous apparaissent bien inutiles et leur rémunération exorbitante. L’un des premiers enseignements de la crise sanitaire, en somme, c’est qu’il
est urgent de réétudier la "hiérarchie" sociale des métiers, en accord
avec nos valeurs et relativement à leur utilité réelle.
Des millions de Français seront en chômage partiel. Est-ce déstabilisant pour les salariés ? Ce temps libre sera-t-il un moment de réflexion pour chacun ?
Au-delà des incertitudes sanitaires et économiques qui nous
inquiètent tous, je pense que chaque citoyen sera amené à se
questionner. Lors de la période de confinement, certains se sentiront
sans doute inutiles pendant que d’autres, encore en activité, sauveront
des vies, agissant directement pour la collectivité. De cette introspection peut naître un désir de transformation fort.
Le confinement peut aider à se rendre compte du caractère précieux
des choses, de l’importance de certains biens ou services, notamment des
services publics trop souvent vilipendés et méprisés, et de la
nécessité de vivre autrement.
Mais pas d’angélisme : la potentielle prise de conscience
citoyenne, qui conduirait à interroger le sens de son travail mais aussi
le modèle économique dans lequel on vit, pourrait bien se fracasser sur
le système en vigueur. Les "règles" du jeu, notamment le pacte
budgétaire européen, limitent pour le moment les possibilités de
changement radical. Le risque, c'est une confrontation entre une volonté
citoyenne de changement et un pouvoir incapable de répondre aux
nouvelles aspirations.
Cette crise sanitaire intervient dans un contexte où le personnel hospitalier était en grève depuis plusieurs mois afin d’obtenir plus de moyens. Comment en sommes-nous arrivés-là ?
Cette crise met en pleine lumière la légitimité des revendications
des soignants de voir leur rémunération augmentée. L'état de santé du
secteur public hospitalier est une démonstration éclatante de ce qui ne
fonctionne pas. Les soignants dénoncent un manque d'investissement
chronique alors qu'en même temps, l'activité augmente drastiquement.
C'est le résultat de plusieurs réformes visant à rendre l'hôpital
soi-disant plus "efficient", réformes dont on voit aujourd’hui les
limites.
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