Le resto en solo n’est plus tabou

Le resto en solo n’est plus tabou:

Longtemps tabou, synonyme de tristesse absolue, le dîner en solitaire serait-il devenu l’emblème d’une époque individualiste ? La plateforme américaine de réservation OpenTable a récemment révélé que les réservations dans les restaurants par des personnes seules ont augmenté de 62 % en deux ans. 



Même en France, l’influent guide Fooding compte depuis trois ans une rubrique « Manger seul » aux côtés de « Faim de Nuit » ou « Brunch ». « Elle est apparue naturellement avec la multiplication des comptoirs agrémentés de vrais tabourets, dans des restos contemporains pourtant munis de tables,explique Alexandre Cammas, cofondateur et rédacteur en chef du Fooding. 


Se sustenter au bar, c’est aussi sympathiser avec le barman, boire un verre de plus, laisser un souvenir au patron, éventuellement brancher le voisin sans qu’il puisse s’enoffusquer, ne pas manger en face d’une place vide… C’est la promesse d’une possibilité de lien social, à une époque où on peut avoir beaucoup de friends, mais ne pas savoir avec qui dîner vendredi soir. »

Un récent article de slate.fr rapporte qu’en 2013, un restaurant éphémère ne proposant des places qu’aux personnes seules, Eenmaal, ouvrait ses portes à Amsterdam. Compte tenu de son « incroyable succès », raconte sa créatrice Marina Van Goor, l’enseigne s’est installée deux jours à Londres, en janvier dernier. Aujourd’hui, la Néerlandaise réfléchit à l’implanter « durablement » dans la capitale britannique et « sous forme de pop-up dans d’autres capitales d’Europe et à New York ».

Un changement de mode de vie

Dans le camp d’en face, ceux que l’idée d’un repas en solitaire répugne bénéficient également d’un soutien technologique. Des applications comme DinnerCall, lancée en septembre, ou EatWith proposent de trouver des partenaires de déjeuner ou de dîner. Leurs promoteurs n’hésitent pas à pointer la solitude comme un fléau de santé publique : « On ne se parle plus. Et si le moment où l’on se met à table avec d’autres devenait le plus important de la journée ? » propose, sur une musique dramatique, la voix off du spot publicitaire de DinnerCall. Ils en appellent à la science : l’Etude prospective européenne sur le cancer et la nutrition (EPIC) n’a-t-elle pas démontré, en 2013, que l’absence de partenaires de repas accentuerait notre goût pour la malbouffe et favoriserait donc les problèmes d’obésité, de diabète et de cancer ?

Les restaurants misent sur les dîneurs solitaires. Ici, un comptoir accueillant chez Pierre Sang in Oberkampf, à Paris 11e.
Pour Claude Fischler, sociologue spécialiste des comportements alimentaires et auteur des Alimentations particulières. Mangerons-nous encore ensemble demain ? (Odile Jacob, 2013), il ne fait pas de doute que le mangeur isolé suscite traditionnellement une certaine méfiance. « Ne pas passer à table avec les autres a toujours induit une volonté de se mettre en retrait, un certain égoïsme, voire une défiance », souligne-t-il. Cependant, les habitudes changent : horaires décalés, célibat prolongé, baisse du temps passé aux fourneaux… « Nos modes de vie ont probablement contribué à augmenter le nombre de personnes s’attablant seules à l’extérieur, qu’elles en aient fait le choix ou non », poursuit le sociologue.

En 1985, déjà, le New York Times avait publié une série d’articles autour du thème « Dîner seul n’est plus perçu comme bizarre », destinés à mettre en confiance et à donner des tuyaux aux esseulés de la bonne chère. Ceux qui n’arrivent pas encore à se réjouir d’un tête-à-tête avec eux-mêmes pourront se consoler en observant un autre phénomène : le « phubbing ». Cela consiste à ostensiblement pianotersur votre smartphone quand quelqu’un vous parle. Une pratique que l’on retrouve entre gens qui n’arrivent pas à se réjouir de manger ensemble…

En savoir plus sur http://www.lemonde.fr/m-perso/article/2015/10/23/le-resto-en-solo-n-est-plus-tabou_4795885_4497916.html#keORox3euuhrGRm3.99


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