Believe pour l’exemple | La guerre du Bouton
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Believe pour l’exemple
A choisir entre major et indé, je préfère l’innovation
Je l’avoue, je n’y croyais pas beaucoup, à l’avenir de Believe quand, en 2005, j’ai invité son fondateur à présenter ses activités et sa vision au cours d’un débat au Forum des musiques actuelles (Foruma), à Nancy. Forum qui allait faire partie des étapes importantes dans la réflexion sur de la création d’un Centre National de la Musique.
A cette époque, Denis Ladegaillerie venait juste de lancer Believe et n’avait pas d’artiste crédible dans son roster. Qui plus est, la musique numérique ne représentait alors qu’une part infinitésimale du marché et tous misaient sur les sonneries de téléphone mobile. Deezer n’existait pas encore, même sous les couleurs de BlogMusik quant à YouTube il n’avait même pas un an.
A l’époque, il semblait évident que les labels en place, qui disposaient de catalogues et de contrats avec des artistes reconnus, d’une solide expérience du secteur et de bons réseaux dans les médias avaient beaucoup plus de chances de réussir dans la course à la musique en ligne. A l’époque, il semblait évident qu’il fallait reconstruire l’intérêt général de la « filière musicale » et que les pouvoirs publics avaient un rôle essentiel à jouer dans ce domaine.
Et pourtant, sept ans plus tard, le ministère de la Culture comme la filière musicale sont toujours aussi désarmés face à la révolution numérique et c’est la start up Believe, le pur player de la distribution numérique qui a remporté la mise.
Mieux, Believe est en France le premier employeur indépendant dans la musique enregistrée, avec une centaine de salariés. L’entreprise devrait réaliser en 2012 un chiffre d’affaires supérieur à 50 M€ devenant ainsi et le premier label indépendant français. Le premier distributeur numérique indépendant d’Europe commence à chatouiller les filiales des petites majors au jeu de la part de marché, en France du moins.
Le secret de la réussite
C’est sans doute le lot de toute crise, les anciens ne savent pas s’adapter, concentrés qu’ils sont sur ce qu’ils ont toujours fait : produire, éditer, promouvoir et distribuer des disques… développer des artistes. Des activités beaucoup plus nobles, créatives et culturelles selon eux que de pisser du code au kilomètre ou de reconstruire le monde en PHP MySQL. J’ai moi-même échoué en quittant un grand label indépendant sans avoir réussi à convaincre son fondateur qu’il était essentiel d’investir dans le code plutôt que dans le design d’un site internet improbable en forme de vache psychédélique… Quant à son principal concurrent, il était tellement convaincu d’avoir une avance concurrentielle sur la musique en ligne, qu’il a bloqué tout projet collectif de création d’un distributeur numérique indépendant.
De son côté, Denis Ladegaillerie s’est concentré sur ce qu’il pensait pouvoir faire : distribuer, promouvoir de la musique en ligne, agréger des contenus pour les plateformes, monétiser des droits, se mettre au service des artistes, qui sont bien souvent leurs propres producteurs. Outre sa capacité à entreprendre, à manager, à investir, à convaincre, le fondateur de Believe a misé sur l’innovation. Aujourd’hui, Believe est devenu un interlocuteur incontournable pour tout artiste français, reconnu ou en développement.
Innovation à tous les étages
Plutôt que d’investir des millions dans la distribution traditionnelle de musique en plastique (stock, messagerie, logistique, force de vente), Believe a investi dans le code. Une vingtaine de développeurs travaillent aujourd’hui afin d’améliorer les process et le reporting. Promouvoir et distribuer la musique en ligne est un vrai métier et implique d’avoir de bons outils. Il a fallu les créer et il apparaît évident aujourd’hui que dans ce domaine, les labels traditionnels ont loupé la marche… mise à part quelques uns, comme par exemple Pschent ou Abeille, qui ont appris à gérer eux-mêmes leur distribution numérique. Pour les autres, il sera de plus en plus difficile de rattraper le retard.
Believe a également innové en renouvelant le modèle des relations contractuelles avec « ses » artistes. La maison signe beaucoup de deals de distribution, mais y ajoute aussi des services additionnels en marketing ou en conseil. Evidemment, elle propose également des contrats de licence et des contrats d’artistes, mais aussi des joint venture à 50/50 ou même des services de gestion de droits voisins ou de monétisation vidéo.
Service et marketing 2.0
Believe a su se libérer de l’atavisme qui conduit la « maison de disques » à chercher à tout prix à être propriétaire des masters et à tondre l’artiste en se taillant la part du lion dans les revenus. Avec son service Zimbalam, le distributeur va jusqu’à reverser 90% des revenus à ceux qui ont choisi d’utiliser l’outil, ce qui ne l’empêche pas de gagner de l’argent sur les droits d’entrée. Believe a su s’adapter à ce que veulent les artistes, mais aussi les labels : leur offrir une palette de services en fonction de chaque besoin.
Aujourd’hui, le cœur d’une maison de disques n’est pas le département artistique mais le service marketing/promo qui apporte la capacité à breaker un artiste, d’accompagner un projet. C’est là que les coûts sont les plus importants et sur ce point aussi, Believe a su renouveler le genre. Plutôt que d’investir des fortunes en campagne de pub TV ou en clips sophisitiqués, Believe a investi dans le monitoring : apprendre à comprendre comment marchent les réseaux sociaux, les plateformes vidéos, apprendre à accompagner le buzz, à investir en temps réel, au jour le jour, à la semaine, plutôt que d’appliquer les recettes de l’industrie du disque à papa où les budgets étaient verrouillés 6 mois à l’avance et l’argent, souvent dépensé inutilement.
Believe a appris à ajuster les investissements en temps réel, à produire des contenus spécifiques pour les plateformes comme YouTube, à faire du CRM et, outre la notoriété, à générer des revenus avec ces médias. L’entreprise à même créé une nouvelle fonction, celle de « channel manager » : plutôt que des chefs de produit, responsables d’un disque, ceux-ci travaillent sur les flux et cherchent à optimiser à la fois la visibilité d’un titre et les retours sur investissement. En clair, le channel manager permet à la fois de générer de l’exposition et d’encaisser des revenus.
International et droits voisins
Autre domaine où Believe a su prendre de l’avance, l’international. Il est évident qu’il n’est plus possible d’envisager de créer une maison de disques au service des artistes en se limitant au territoire national. Certes, d’autres indés l’ont déjà compris et font plus de la moitié de leur chiffre d’affaires à l’export (le marché de la musique enregistrée en France représente à peine 5% du marché mondial) mais seule Believe peut affirmer avoir une représentation internationale directe dans une dizaine de pays. Les autres règlent généralement la question de l’export en réalisant des accords avec des partenaires locaux.
Avec ses outils de reporting et sa couverture internationale, Believe commence à chasser sur les terres des sociétés de gestion de droits. L’entreprise affirme avoir une meilleure capacité à récolter les droits des artistes et des producteurs à l’export et à les rapatrier en France et les payer en temps et en heure avec moins de frais de gestion. De quoi bousculer le petit monde feutré des SPRD….
Aujourd’hui, l’entreprise emploie plus de cent salariés, autant qu’une filiale française de petite major. Believe pourrait-elle devenir une major ? « Oui, mais pas avec les travers de ces dernières », confie Denis Ladegaillerie. Paradoxe, celui-ci prône l’indépendance, « essentielle à la diversité culturelle », dénonce les effets néfastes de la concentration et dans le même temps, préside le Snep, qui s’affirme de plus en plus comme le syndicat des majors, réduisant la notion de diversité musicale à un slogan… J’ai posé la question à Denis Ladegaillerie. Believe doit-il rester à la présidence du Snep ?
Major ou indé
Mais au delà de cet antagonisme major/indé se pose la question du rôle du CNM, si tant est que celui-ci voit enfin le jour. Il me semble en effet que l’aventure Believe démontre que la capacité à innover est essentielle pour soutenir la diversité de la création et de la diffusion en France et dans le monde. Soutenir des entreprises de production phonographiques en les confortant dans leurs habitudes ancestrales ne me semble pas être le meilleur cadeau à faire à l’avenir de la création française, aux artistes et aux créateurs.
Si le CNM est plus que jamais une très bonne idée, n’est-il pas urgent que ce dernier prenne de la distance face aux lobbies des majors mais aussi des indépendants, du moins de ceux qui souhaitent à tout prix ne pas trop évoluer dans leurs pratiques entrepreneuriales. Il est urgent qu’avant tout, le CNM se donne les moyens de construire une politique de soutien à l’innovation, à la modernisation, à la restructuration du secteur. Et pour se faire, il y a autant besoin des majors que des indépendants ! Mais il faut beaucoup plus que des producteurs pour faire un monde….
S’il faut bien
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